Le droit de suite, l’urgence d’en faire une réalité!

En 2016, des bénévoles d’un magasin d’objets usagés en Ontario ont trouvé un tableau de la peintre naïve Maud Lewis en triant des dons reçus du public. Cette artiste néo-écossaise décédée en 1970 avait vécu de longues années dans la pauvreté et vendait ses œuvres pour quelques dollars. Après son décès, ses peintures ont pris de la valeur et certaines se sont vendues plus de 20,000 $. En mai 2017, l’œuvre qui avait été découverte par hasard l’année précédente a trouvé preneur pour 45,000 $, près de trois fois le montant de son évaluation.

Ces faits rappellent ceux qui ont donné naissance au droit de suite en France, en 1920, après que le célèbre tableau de Jean-François Millet, « L’Angélus », ait été revendu pour une somme phénoménale alors que les enfants de l’artiste vivaient dans la misère. Avec le droit de suite, le législateur français est alors intervenu en faveur d’un partage équitable de la richesse engendrée par les œuvres, en assurant à leurs créateurs (ou aux héritiers de ceux-ci) le paiement d’un petit pourcentage de leur prix de revente.

Le droit de suite aura bientôt 100 ans et plus de 80 pays l’ont adopté, dont tous ceux de l’Union Européenne. La Convention de Berne, qui protège les auteurs et leurs œuvres à travers le monde, prévoit bel et bien que le droit de suite doit permettre aux créateurs de bénéficier des opérations de revente de leurs œuvres, mais comme ce droit n’est pas obligatoire, il n’existe pas encore dans plusieurs pays, dont le Canada, qui est par ailleurs signataire de la convention.

Comme les œuvres circulent de plus en plus et sont revendues partout dans le monde, la Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs (CISAC), dont la SODRAC est membre, a orchestré une vaste campagne en vue de généraliser l’adoption du droit de suite à l’échelle planétaire. Dans ce cadre, le 28 avril 2017 la SODRAC a participé à la Conférence internationale sur le droit de suite qui s’est tenue au siège de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) à Genève.

Artistes, spécialistes des droits d’auteur et délégués de l’OMPI étaient réunis pour l’événement, dont M. Mattiusi Iyaituk, un artiste d’Ivujivik, au Nunavik, accompagné pour l’occasion de M. Gilles Lessard, Chef de service, arts visuels et métiers d’art, à la SODRAC. M. Iyaituk a frappé l’imagination de tous en appelant avec émotion un droit de suite universel, non seulement pour les artistes de sa communauté, mais aussi pour leurs enfants. Et son expérience d’avoir un jour vendu une sculpture pour 250 $ et de la retrouver ensuite en galerie offerte à 5000 $ se compare à ce que bien des artistes vivent, alors qu’au Canada ils ne reçoivent encore rien lors de la revente de leurs œuvres.

Verra-t-on le droit de suite adopté au Canada pour le centenaire de sa création en 2020 ? Nous considérons le droit de suite est une mesure de justice sociale qui doit être adoptée sans attendre, afin d’établir un meilleur équilibre entre les artistes, qui déploient beaucoup d’imagination, d’efforts et de détermination pour créer des œuvres, et ceux qui bénéficient de la richesse qu’elles engendrent.

Cinq ans se sont écoulés depuis la dernière révision de la Loi sur le droit d’auteur. La Loi doit faire bientôt l’objet d’un examen parlementaire qui débuterait en novembre 2017. Ce processus sera l’occasion pour la SODRAC et toutes les associations d’artistes de réitérer le caractère vital du droit de suite pour les créateurs et l’urgence d’en faire une réalité.

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